Ce papier est pour les indépendants qui ont un problème avec l’argent. Pour celles et ceux qui n’osent pas monter leurs tarifs ou qui se sentent frustrés de ne pas être payés à leur juste valeur. Pour les freelances qui ont le sentiment d'être perdus et ne savent pas comment fixer leur prix, et pour tous les autres aussi.
Dans cet article, nous parlerons "d’oseille, de pognon, de fric, de blé" comme diraient les Inconnus. Ensemble, nous allons toucher un sujet sensible : la complexité de choisir son tarif en freelance, que ce soit la première fois ou que vous souhaitiez le réévaluer. Je vais vous parler de ma vision des choses et de comment je me suis (un peu) décomplexé des chiffres.
En revanche, nous ne parlerons pas de l’Urssaf, des impôts et consœurs. Il y a déjà beaucoup de ressources qui font ça très bien. Si vous êtes un client de freelance, je n’entrerai pas non plus dans tout ce que paye un indépendant, ni pourquoi vous devriez respecter le choix de son prix.
Maintenant que nous avons posé le cadre, allons-y !
Nous ne pouvons pas tous travailler au même prix puisque nous sommes tous différents
Ça parait logique.
Mais je vous invite à faire un tour sur des plateformes de freelances pour vous rendre compte de l’uniformisation des tarifs. Par exemple, pour un graphiste, il est dans l’esprit commun que le tarif d’un junior est de 350€ par jour, qu’avec plus d'expérience, on est à 450€ et qu’un senior “vaut” entre 500€ et 600€. Pour les autres professions, c’est le même principe. Changez juste les chiffres.
Je pense que nous faisons fausse route.
Pourquoi ces tarifs "paliers" ? Pourquoi devrions-nous tous nous aligner alors que nous avons des compétences variables, des besoins et des contraintes de vie différents, des préférences variées, notamment dans le choix des projets et des clients ?
Vous n’êtes pas obligés de vous comparer aux autres indépendants
Mes premières années d’indépendance étaient frustrantes sur ce sujet. En freelance, vous êtes le seul maître à bord pour définir la valeur de votre travail et, par mégarde, celle-ci peut se confondre avec votre propre valeur. Viennent alors des questionnements comme : "les collègues aux tarifs plus élevés ont-ils plus de valeur que moi ?".
Pour éviter cela, il faut connaître son "juste prix" afin d’être plus serein. Cet indicateur vous permet d’avoir une marge de négociation et d’être en accord avec vous-même. Sans imposture ni dévalorisation, on est bien.
Commencez par établir une liste de vos besoins non négociables pour vivre au quotidien
Il faut être lucide avec soi-même. L’objectif n’est pas de vous masquer certaines dépenses. Si vous découvrez un budget élevé dans un domaine, ce n’est pas un problème : il faut juste en être conscient. À la fin de cette auto-analyse, vous pourrez ainsi voir ce qui est réductible, optimisable et ce qui vous est indispensable.
Comment connaître son "juste prix" ?
Cet indicateur est CAPITAL. C’est grâce à lui que vous serez plus zen dans votre activité. Une fois que vous avez dépassé ce seuil, vous savez que vous avez réglé tous vos besoins vitaux.
Il vous faut donc additionner sur un mois tout ce qui est inévitable (cette liste est non exhaustive) :
- Loyer
- Le budget "nourriture"
- Les dépenses liées aux enfants et aux animaux (si vous en avez)
- Téléphone et internet (c’est professionnellement vital)
- Assurances diverses
- Les cartes de transports, voiture ou autre
- Les licences logiciels (si votre métier le demande)
- Salle de sport, piscine ou autres abonnements sportifs
- Un budget sorties, Spotify, Netflix, etc.
- Et toutes les dépenses indispensables à votre activité freelance et votre vie personnelle
Une fois que vous avez cumulé l’ensemble, vous obtenez un total sur un mois. Bien sûr, on gardera à l’esprit qu’il faudra ajouter à la louche les impôts, cotisations et charges qui vous concernent.
Multipliez ce montant par 12 pour avoir une vision de vos dépenses minimales à l’année.
Enfin, divisez ce total par le nombre de jours de travail que vous souhaitez. C’est une donnée modulable car certains préfèrent travailler plus en semaine pour avoir des week-ends prolongés, par exemple. Sachez qu’en moyenne, un freelance travaille sur ses projets 10 jours par mois et sur 10 mois de l’année.
Bravo ! Vous venez d’obtenir VOTRE prix par jour. Encore une fois, c’est une estimation et il faut que vous ayez joué le jeu de la transparence. Libre à vous de l’adapter pour en faire un chiffre rond, de l’augmenter (et pas de le diminuer, attention !) pour avoir une marge, etc.
Avec le "juste prix", vous prenez la main de la négociation
J’entends quelques voix s’élever : "oui, mais on retombe sur les tarifs du début...". C’est possible. Les "paliers" sont souvent des arrondis supérieurs de ce que vous avez trouvé. Cependant, en ayant fait cette démarche, vous ne donnerez pas un prix par mimétisme. En suivant ce raisonnement, vous êtes un indépendant actif et acteur de ses choix, donc plus confiant.
Aussi, vous connaissez votre limite basse. Celle en dessous de laquelle vous ne devez pas aller. La bonne nouvelle est que tout ce qui est au-dessus est en supplément dans votre poche !
C’est un point très important pour négocier. En ayant ces cartes en main, vous pouvez proposer un prix plus haut mais acceptable et ajuster lors de la négociation, tout en sachant que vous restez dans vos frais.
Vous pouvez aussi choisir plus simplement. C’est un point dont je parle dans l'article-bilan de ma première année en freelance. Si vous faites une marge sur certains clients, vous pouvez décider d’en accepter d’autres avec moins de budget mais qui vous tiennent à cœur.
"Un prix élevé implique de grandes responsabilités"
Si vous êtes dans la moyenne, ces fameux tarifs du départ, vous pouvez passer ce paragraphe. En revanche l’augmentation de vos tarifs demande de la clairvoyance sur votre positionnement dans le marché des indépendants de votre secteur.
Un prix plus élevé que le marché implique des contreparties : cela peut être une disponibilité importante, une spécificité particulière sur votre méthode de travail ou une compétence spécifique, un positionnement "luxe" par exemple. Cela implique aussi qu’il faudra trouver des clients avec plus de moyens, ce qui est plus rare. Il y aura donc moins de projets et potentiellement une trésorerie en dents de scie. Ce n’est pas grave mais il faut le savoir, et pouvoir gérer émotionnellement et financièrement le stress que cela peut générer.
Tout n’est qu’une question de choix
Pour terminer sur ce sujet, soyez en accord avec vous-même : votre prix est un parti pris. Si vous avez choisi ce montant en conscience et avec méthode, vous n’avez pas à avoir honte de l’annoncer.
Mais gardez en tête que le juste prix est toujours négocié. Un prix trop bas n’est pas discuté. Si vous êtes trop cher, votre client vous le fera sentir. Et n’oubliez pas que parfois ce n’est pas le bon client.
Je vous remercie de votre lecture et vous souhaite "bon courage" !