Interview de Thierry Reboul et Ubi Bene : le courage d’une agence

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Dans le monde de la communication évènementielle, une agence sait particulièrement bien tirer son épingle du jeu : Ubi Bene. À ses commandes on trouve Thierry Reboul. Ce nom ne vous dit peut être rien mais vous connaissez certainement ses projets : la destruction du bus maudit de Knysna pour Adidas, la nuit dans un aquarium rempli de requins pour Airbnb, la tyrolienne de Perrier sur la tour Eiffel ou encore la piste d'athlétisme sur la Seine pour Paris 2024.

Des idées farfelues, des projets fous, hors norme souvent, périlleux parfois… Guidée par Thierry Reboul, Ubi Bene est une agence qui crée des événements qui font l’événement. Rencontre avec le chef de file de l'évènementiel français.

Thierry Reboul, c'est des opérations risquées depuis toujours

À ses débuts en 2005, Nike demande à Thierry Reboul de rendre le second titre NBA de Tony Parker inoubliable. Le joyeux luron décide alors d'enfiler un maillot géant des Spurs de San Antonio sur la statue de la Liberté (la copie parisienne, pas l’originale new yorkaise 4 fois plus grande) ! "On y est allé à 6 heures du matin, sans autorisation. Un alpiniste s'est accroché sur la tête qui a commencé à bouger, se souvient-il. La photo du maillot a fait le tour du monde, moi celui des commissariats" m'explique Thierry Reboul.

Le ton est donné, c’est le début d’une grande aventure.

C’est facile pour Ubi Bene de proposer des idées osées ?

Le genre de projets que nous faisons chez Ubi Bene agite des choses chez les gens. On ose ce que beaucoup n’oseraient même pas imaginer. J’essaie d’aller dans les écoles de temps en temps pour transmettre cette envie de sortir du cadre. Il y a souvent la même réaction : "Woaw ! On savait pas qu’on pouvait faire ça !".

Le problème, c’est qu’aujourd’hui on dit aux étudiants tout ce qu’ils ne peuvent pas faire. Les écoles agitent peu la fibre créatrice. Ça, ça me terrifie. Après, je ne dis pas que toutes les idées qui sortent de l’ordinaire sont bonnes. Il faut savoir faire la part des choses. Parfois c’est infaisable, ça ne remplit pas les objectifs... ou ça peut être complètement con. Mais c’est ça que l’on doit apprendre à l’école !

La difficulté c’est de trouver la personne qui acceptera de prendre un risque.

Même si nos idées peuvent paraître évidentes, ce n’est souvent pas simple. Il faut être conscient que pour réaliser des projets comme ceux d’Ubi Bene, il y a des montagnes de gens à convaincre. Qu’ils soient dans les agences ou chez nos clients, leur point commun est qu’ils sont souvent apeurés dans un premier temps. Ils ont peur de mal faire, d’accepter une idée trop extravagante, d’être mal vu par leurs collègues pour ce choix, de se faire virer à cause d’une mauvaise décision… La peur, c’est ce qui accompagne la majorité des gens au quotidien. À cause de ça, les sociétés et le système ne favorisent pas la créativité.

La difficulté c’est de trouver la personne qui acceptera de prendre un risque. Celle qui se dira que si elle n’accepte pas une proposition créative comme la tyrolienne de la Tour Eiffel, elle n’aura pas bien fait son travail. C’est toujours un individu qui se démarque et qui ose. J’aimerais qu’il y en ai plus. Je n’ai jamais eu envie d’être seul sur un rocher.

Et quand on vous dit "oui", vous dites parfois "non" ?

Je dis "non" régulièrement à des projets. J’essaye de choisir mes combats parce qu’on ne peut pas tout faire. Parfois aussi je me paye un bon gros "NON" ! Dans ce cas là, je m’arrange pour que ça se sache. Je sais que je perds ce client mais je vais au bout du truc.

Ça a été le cas avec Nike par exemple. Ils voulaient travailler avec nous mais ils devaient nous mettre en compétition "pour faire bien face au quartier général de Portland". Ils savaient que ce n’était pas juste alors que j’avais déjà risqué plusieurs fois mon agence pour eux. Du coup je les ai mis en compétition aussi : Adidas a accepté quelques jours plus tard.

Avec autant d’audace, qu’est-ce que tu penses de la publicité aujourd’hui ?

J’ai lu une interview de Stéphane Xiberras, le directeur de création de BETC, qui disait que la publicité allait mal. Je pense que les publicitaires "traditionnels" sont dans un cercle vicieux : la société actuelle va vers un désintérêt profond de cette publicité.

Le problème c’est que la seule manière de casser cet engrenage serait d’être dans la sur-créativité. Mais comme ça marche moins bien auprès des clients, ils préfèrent prendre moins de risque, quitte à faire n’importe quoi. Ces mauvaises créations intéressent encore moins de gens... Au final on reste dans la boucle. À part dans le cercle restreint des directeurs artistiques, des Lions à Cannes... La publicité tourne en rond.

Les gens ont une vie et ont autre chose à faire que de s’intéresser aux publicités que nous essayons de leur imposer.

Interview Thierry Reboul Ubi Bene - We Need Cafeine -02
Ubi Bene et Netflix ont installé un sablier à coke sur les Champs-Élysées
Interview Thierry Reboul Ubi Bene - We Need Cafeine -03
Thierry Reboul et Ubi Bene ont conçu l'image des JO2024 à Paris qui a fait le tour de la planète.

Justement, qu’est ce qui fait rêver les gens ?

Les gens ont une vie. Ils ont autre chose à faire que de s’intéresser à ce que nous essayons de leur imposer. Il faut leur proposer des choses qui retiennent leur attention naturellement. Il faut les faire sortir de leur quotidien, les emmener ailleurs, les faire rire, leur faire vivre des expériences.

Une marque sexy fait ce que les autres ne font pas. Elle prend des risques. Elle ose car il le faut pour se démarquer. Et pour ça, il faut commencer par regarder ce que font les autres. J’ai plus rendu service aux marques en osant les sortir de leur zone de confort plutôt qu’en faisant des publicités classiques. Ça paraît évident mais il ne faut pas l’oublier.

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Vu l’ampleur de vos dernières prises de risque, la Terre sera bientôt trop petite, non ?

Non, pas du tout ! Pour moi tout est un terrain de jeu. J’ai très envie de faire un équivalent de ce qu’à fait Baumgartner avec RedBull. Ubi Bene est fait pour ça ! C’est évident !

Mais je suis très attaché au terrain de jeu français. Je peux bien faire mon métier si je connais parfaitement mon environnement. Si tu me demandes quoi faire à Berlin ou au Japon, j’en serais incapable ou ce serait bateau. Qu’on le veuille ou non, on ne peut rien faire sans la mairie, sans la police et les autorités en général. En France, ils me connaissent maintenant donc ça nous facilite beaucoup les choses.

Des idées pour les prochains projets ?

Je m’intéresse à tous les précurseurs. Mon dernier coup de cœur, c’est les bateaux volants. En soi, je ne suis pas intéressé par la voile… mais le bateau vole ! C’est dingue ! C’est une image magnifique ! Je suis à la recherche de ces images exceptionnelles qui marquent les esprits.

Merci Thierry Reboul pour le temps que tu m'as accordé.

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